Jack Braun, une vie de footballeur

Ce soir, avant le match de Ligue 2 Amiens-Red Star, une minute de silence honorera la mémoire de Jack Braun, mon papa, décédé le 18 octobre. Il avait 88 ans, dont plus de 60 passés dans le milieu du football.

Né en 1928, Jack a vécu dans l’environnement du football dès la petite enfance. Son père, Marcel, fut un excellent joueur au niveau national dans les années 1920-1930. Et la sage-femme qui a fait naître le petit Jack était l’épouse d’un autre bon footballeur d’Amiens des années 1920, Georges Sadowski ! Quant à la maison natale, au 43 de la rue Camille-Desmoulins, elle avait été occupée auparavant par le remarquable joueur anglais Sydney Sheldon !

Dans une préface qu’il a rédigée pour l’ouvrage de François Dubois, Naissance et essor du football à Amiens (1992, Encrage éditions), mon père se souvenait qu’à l’âge de 4 ans, il entendait ses parents évoquer le passage du club d’Amiens au professionnalisme. Il citait aussi ses premières idoles, les joueurs de l’A.A.C. Iliet, Bugé, Thévenot, Taisne ou Reid. Il se souvenait également de ces heures passées à frapper le ballon contre le mur de la cour de la maison familiale.

Dès le plus jeune âge, Jack fréquente l’école de football de l’A.A.C. qu’avait lancée à la fin des années 1920 l’ancien international Maurice Thédié. Sous la conduite de  M.Saint-Aubin, il va devenir un des meilleurs jeunes joueurs nordistes dans les années 1940. Surclassé, le cadet joue dans l’équipe juniors de l’A.A.C. finaliste du championnat du Nord en 1944. Il se fait aussi connaître par ses qualités techniques et, en 1946, à Colombes, obtient la 4e place du concours national du jeune footballeur. Il est présenté au public de la finale de Coupe. L’année précédente, il avait déjà foulé la pelouse du stade Olympique, avec les cadets du Nord, face à ceux de Paris, en lever de rideau de la finale de Coupe de France. Il se souvenait même qu’il avait tiré sur la barre transversale !

Les cadets du Nord 1945 à Colombes. Jack Braun est au premier rang (2e à gauche), à la droite d'André Strappe. Derrière lui, Léon Desmenez.

Les cadets du Nord 1945 à Colombes. Jack Braun est au premier rang (2e à gauche), à la droite d’André Strappe. Derrière lui, Léon Desmenez.

Dans ses jeunes années, il n’y a pas que le foot dans la vie du garçon.  Dans les années 1941-1942, il obtient plusieurs titres de champion de Picardie minime de natation, il joue en compétition de water-polo et glane quelques titres régionaux en athlétisme ! Il manie aussi habilement la raquette de tennis. Bientôt, le football l’accapare. A 17 ans, il apparaît de plus en plus souvent dans l’équipe réserve professionnelle du club. Il n’a pas encore 18 ans lorsqu’il dispute son premier match officiel avec les pros, contre Colmar (1-5), le 7 avril 1946.

  • Premier match en pros à 17 ans, international militaire à 20

A la fin de la saison 1947-48, il fait son service militaire à Paris et joue avec les amateurs du R.C.Paris. Il est sélectionné en équipe de France militaires par l’entraîneur Joseph Mercier, en compagnie de Pierre Wadoux, René Gardien, André Strappe, Jean Combot, Léon Glowacki. A l’issue de cette période sous les drapeaux, il revient à Amiens et signe son premier contrat professionnel.

14 mai 1950, Amiens-Béziers (4-0). Au second plan, Charles Quaino.

14 mai 1950, Amiens-Béziers (4-0). Au second plan, Charles Quaino.

Malade pendant plusieurs semaines à l’automne 1949, il devient titulaire chez les pros à partir de 1950, comme arrière latéral puis au milieu de terrain, son poste de prédilection. Il ne quittera plus son club de cœur jusqu’à la fin de sa carrière de joueur. Lorsque le club abandonne le statut professionnel en 1952, il fait un essai sans suite à Montpellier et resigne à la fin de l’année à l’A.A.C., engagé dans les championnats de la Ligue du Nord. Il y retrouve deux autres ex-pros restés au club, Edouard Harduin et Jean Mankowski.

Tous trois participent à la lente remontée du club: Promotion d’honneur de 1952 à 1954, Division d’Honneur de 1954 à 1957, montée en championnat de France en 1957, obtention du titre de champion du groupe Nord en 1959. Lorsque l’A.A.C. fusionne avec Amiens Sports pour former l’Amiens S.C. en 1961, il joue encore quelques matches, alors qu’il prépare sa reconversion vers le métier d’entraîneur.

Redevenu amateur, Jack avait intégré l’équipe des moniteurs d’éducation physique de la ville d’Amiens, dirigée par Julien Burnay. Pendant dix ans, il fait donc la « gym » dans les écoles de la ville, et l’été, devient moniteur de la piscine du Bain de sable, près de l’étang de Saint-Pierre. Il obtient ses premiers diplômes d’éducateur au sein de la Ligue du Nord. En 1962, lors du stage national à l’I.N.S. de Vincennes, il obtient le diplôme d’entraîneur fédéral (qui deviendra plus tard le brevet d’Etat du 3e degré), en compagnie de l’ancien international René Gardien et du capitaine de Sedan, Marcel Mouchel.

  • Premier CTR de football, membre de la première DTN

Il passe ensuite une année de stage à l’I.N.S. dans le bois de Vincennes, dans le cadre de la formation du corps des conseillers techniques régionaux que l’Etat vient de créer. A l’issue de ce stage, il devient le premier C.T.R. de football, à la Ligue de Paris. C’est en arrivant à Paris qu’on commence à l’appeler Jacky. Pour ses vieux copains d’Amiens, il restera Jack pour toujours.

Toute sa carrière d’entraîneur et d’éducateur s’inscrit au sein de la Fédération Française de Football. En 1970, il entre dans la toute première Direction technique nationale, dirigée par Georges Boulogne. Ses collègues sont Henri Guérin, Michel Hidalgo, Gaby Robert.

1969, Colombes, les cadets de Paris remportent la Coupe nationale. Jack Braun au premier rang, à gauche

1969, Colombes, les cadets de Paris remportent la Coupe nationale. Jack Braun au premier rang, à gauche

En 1969, il succède à Georges Boulogne comme entraîneur de l’équipe de France juniors. A trois reprises, il parvient jusqu’en demi-finales du championnat d’Europe, en 1970 (promotion Bertrand-Demanes, Sarramagna, Santini, Gardon, Arribas, Merchadier, Giresse…), en 1976 (promotion Tusseau, Zénier, Lacuesta, Jeannol, Pilorget…) et 1979 (promotion Ayache, Lemoult, Touré, Bijotat, Stopyra, Buscher, Anigo…).

L'équipe de France juniors 1970, à Lisbonne

L’équipe de France juniors 1970, à Lisbonne

Sur cette photo de 1970, on reconnaîtra autour de mon père Peyron, Chouvin, Giachetti, Bertrand-Demanes, Gianquinto, Sarramaga, Gardon (2e rang); Boissier, Carrié, Arribas, Giresse, Santini, Neubert, Becker, Bracci, Dahmane.

Il entraîne aussi l’équipe qui participe à la première Coupe du monde des moins de 20 ans, en 1977. Jusqu’à la fin des années 1980, il a en charge, successivement, les sélections françaises Espoirs, B, Olympiques, Amateurs, Militaires. Il est enfin  le responsable des stages d’entraîneurs, à Vichy puis à Clairefontaine, jusqu’à sa retraite en 1993.

Sur la photo ci-dessous, est rassemblée une formidable promotion, celle du premier stage du diplôme d’entraîneur professionnel, en 1991: Debout, de gauche à droite: Le Lamer, Eo, Briet, Jacquet, Marx, Mérelle, Huck, Gauthier, Mankowski, Santini, Crevoisier, Damiano; au 2e rang: Smerecki, Notheaux, Joël Muller, Jodar, Gili, Carayon, Domenech, Fauvergue; au 1er rang: Victor Zwunka, Lemée, Parizon, Laurier, Braun, Houllier, Takac, Marcos, Calleja, Wenger, Gransart, Dalger.

Au milieu des entraîneurs (4e à gauche, premier rang) lors du premier stage du DEPF à Clairefontaine, en 1991

Au milieu des entraîneurs (5e à gauche, premier rang) lors du premier stage du DEPF à Clairefontaine, en 1991

Très impliqué dans le mouvement amicaliste du football, il est président de l’Amicale nationale des éducateurs (de 1994 à 1998) qu’il a représentée au Conseil fédéral de la F.F.F. et au Conseil du football amateur.

Reparti dans sa chère ville d’Amiens en 1996, il a continué de suivre les choses du football, depuis les tribunes jusqu’à ces dernières années. Il retrouvait les anciens d’Amiens, Robert Buchot ou Paul Imiela, dans les travées du stade de la Licorne.

En 2000, les lecteurs du Courrier Picard, invités à composer « l’équipe d’Amiens du siècle »,  le sélectionnent, au côté de Beaujouan, Bertin, Wallet, Imiela, Fromholtz, Delecroix, Pierre Mankowski, Jarolim, Baticle et Skupnik.

Ces dernières semaines, avant qu’il ne s’éteigne, il était rare qu’il ne soit pas question de football, de l’équipe de France ou d’Amiens, dans nos ultimes conversations, même pour quelques secondes. Et quand il en appelait à son papa, c’était encore pour évoquer quelque souvenir du stade Moulonguet surgi de l’oubli…

Didier Braun

 

 

 

Cet article, publié dans L'époque de Jack (années 1950-60), est tagué . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

10 commentaires pour Jack Braun, une vie de footballeur

  1. Jackie Hansénius dit :

    Bonjour,,

    Recevez mes sincères condoléances pour épreuve.

    Jackie Hansénius

    J’aime

  2. Romain dit :

    Bonjour,

    Toutes mes condoléances pour le décès de votre père.

    Je souhaite revenir sur une partie de cette biographie. Auriez-vous plus de données sur
    les sélections françaises B, Olympiques, Amateurs, Militaires qu’il a dirigé.

    (Je ne retrouve que la campagne de qualification au JO88)

    Merci

    J’aime

    • braundidier2 dit :

      Merci de votre message. De mémoire seulement: je me souviens qu’il a eu les amateurs vers 1983/87. J’ai le souvenir de tournées en Afrique (Gabon, Mali, Centrafrique ??) et des Jeux Méditerranéens en Syrie en 1987. Il avait eu les Espoirs après Henri Guérin et avant Marc Bourrier, soit 78/82 sans doute; les B (ou A’) avant la Coupe du monde 82, les Olympiques en 87; les militaires vers 88 (promotion Cantona qui l’a fait vieillir de 10 ans en une seule saison !!)

      J’aime

  3. Bleu dit :

    Condoléances

    J’aime

  4. Delavenne Thierry dit :

    Je vous présente mes condoleances

    J’aime

  5. Herouard Nicolas dit :

    Toutes mes condoleances

    J’aime

Laisser un commentaire