En 1952, Amiens repart à zéro

A l’issue de la saison 1951-1952, l’Amiens A.C., club de football redevenu professionnel en 1945, est contraint d’abandonner le statut pro. Le club repart en championnat de Promotion de la Ligue du Nord. Il mettra 5 ans pour rejoindre le championnat de France.

Amiens venait de connaître deux saisons relativement bonnes sur le plan sportif, en 1950 (9e de la Division 2) et surtout en 1951 (7e), sous les ordres d’André Riou. Mais à l’issue de cette dernière saison, le club, dont les moyens sont très limités, subit une rude ponction dans son effectif. L’entraîneur qui avait redonné une identité à l’équipe part.

Plusieurs titulaires quittent le club: deux piliers de l’équipe depuis plusieurs années, Lucien Hérouard et Amédée Uchart, partent pour Nantes. Abdesselem Madani les y accompagne. Roger Deléglise et René Salembier signent à Rouen, l’espoir Stan Dombeck au Stade Français, Roger Lacaze à Troyes, pour un transfert de 500 000 francs de l’époque.

Toute l’équipe est à reconstruire par le nouvel entraîneur, Charles Roze. Curieux personnage, si l’on en croit un article de Gabriel Hanot, dans France-Football (21 août 1951):

 » Curieux entraîneur que Roze, diplômé fédéral, qui a formé le petit intérieur rouennais Sucré et qui fut un moment, en saison dernière, responsable de l’équipe professionnelle du FC Rouen. Curieux, parce que s’il est entraîneur avec passion, il est aussi quelque peu mécène. On dit qu’il facilita la trésorerie du club rouennais et, la semaine dernière, nous l’avons vu offrir de ses propres deniers un rafraîchissement aux joueurs amiénois qu’il venait de mettre sévèrement à l’épreuve pendant une heure.

 »Nous avons fait une affaire financière en engageant Roze ! », nous disait M.Jacob [le président de la section professionnelle de l’A.A.C.] et nous croyons en effet savoir que, lorsque l’entraîneur aura payé hôtel, pension et garage, il ne lui restera plus de quoi amortir sa 203. « 

Sur quels renforts le nouvel entraîneur peut-il compter, pour compléter l’effectif pro restant, constitué de Jean Capart dans le but, Eugène Bourson, Jack Braun, Edouard Harduin, Jean Mankowski, Eugène Proust, René Carré, Maurice Wattebled, de retour du Havre ? Arrivent Georges Ben Amar et René Dussautois (ex-Troyes), Marcel Frey (venu, en fin de carrière, de Besançon), Elias Mellul (de Lens), Emile Wassmer (que Lille avait prêté à Valenciennes la saison précédente), et deux jeunes Rouennais que l’entraîneur a amenés avec lui: son propre fils, Serge, et Michel Tocqueville. On va se rendre compte rapidement que le déficit en qualité est important.

Le dernier effectif pro. Debout, de g. à dr.: Lecocq (dir.sportif), Harduin, Ben Amar, Capart, Bourson, Braun, Frey, Roze (entr.); accroupis: Mankowski, Proust, Dussautois, Wattebled, Carré.

Le dernier effectif pro. Debout, de g. à dr.: Lecocq (dir.sportif), Harduin, Ben Amar, Capart, Bourson, Braun, Frey, Roze (entr.); accroupis: Mankowski, Proust, Dussautois, Wattebled, Carré.

La dégringolade commence à partir de la 5e journée de championnat, avec une première série de 4 défaites consécutives. Dès lors, Amiens va constamment naviguer dans les dernières places du classement: le 30 décembre, le club occupe la 16e place sur 18 équipes.

Le début de l’année 1952 est terrible: 2 nuls, 4 défaites (dont 3 sur le score de 6-1 contre le Stade Français, Valenciennes et Rouen). Au début du mois de mars, l’entraîneur Charles Roze est limogé. L’expérimenté Eugène Bourson assure l’entraînement jusqu’à la fin de la saison qu’Amiens atteint à la même 16e place.

  • L’EQUIPE-TYPE DE LA SAISON 1951-1952: Capart (30 matches) — Frey (29 m.), Ben Amar (25 m.), Braun (30 m.) — Bourson (33 m.), Harduin (26 m.) — Proust (32 m.), Dussautois (29 m.) — Mankowski (26 m.), Wattebled (13 m.) puis Paillère (16 m.), Carré (22 m.).

Au début du mois de juillet 1952, le président du club, Georges Jacob, est contraint d’aviser le Groupement des clubs autorisés (l’ancêtre de la Ligue du football professionnel), du retrait du club amiénois, lequel avait déjà abandonné le professionnalisme en 1937. Jacob est remplacé par le docteur Masson, médecin de l’équipe et vice-président, et Georges Poidevin, qui commence un long bail à la tête d’un club à reconstruire.

Tous les professionnels sont mis au chômage. La plupart s’en vont: Eugène Bourson (qui a pensé un moment rester à Amiens) signe à Toulon, « Mickey » Proust et Georges Ben Amar au Red Star, Maurice Wattebled à Metz, Claude Paillère (arrivé de Strasbourg au cours de la dernière  saison) à Béziers, Emile Wassmer à Valenciennes. Pour d’autres (Jean Capart, René Carré, René Dussautois, Marcel Frey, Elias Mellul), la carrière pro s’achève.

Pendant l’été, Jean Mankowski et Edouard Harduin sont reclassés amateurs. Ils seront les cadres de la future équipe. Tout en jouant, Harduin assurera l’entraînement jusqu’en 1959. Jack Braun, après un essai à Montpellier à l’automne, les rejoint au mois de décembre.

Les dirigeants amiénois ont décliné l’offre que leur a faite le Conseil fédéral de disputer le championnat de France amateurs (C.F.A.). La division d’honneur de la Ligue du Nord leur a également été proposée. Ils préfèrent repartir de plus bas. L’A.A.C. reprendra en Promotion d’honneur.

Autour de Harduin, Mankowski puis Braun, l’équipe va se reconstruire avec plusieurs joueurs qui ont fait quelques apparitions lors de la dernière saison professionnelle: Jacques Falize (2 matches de D2), Roland Feuillet (5 m.), Marcel Eloy (1 m.), Claude Jany (1 m.). Avec eux va s’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’Amiens A.C. Il faudra cinq années de patience au club de Georges Poidevin pour atteindre l’élite du football amateurs, ce C.F.A. que ses dirigeants avaient refusé en 1952. Sagement ? Petit à petit, je raconterai sur ce blog les épisodes de cette lente remontée.

Didier Braun

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