N’oubliez pas vos « bottines » !

Dans les papiers familiaux, j’ai retrouvé cette convocation de la Ligue du Nord à l’occasion d’une sélection de mon grand-père. Le texte illustre ce qu’était le football des années 1920.

Nous sommes en 1929. Au début du mois de mai, mon grand-père Marcel Braun reçoit dans sa boîte aux lettres de la maison du 43, rue Camille-Desmoulins, cette lettre à en-tête de la Ligue du Nord de Football-Association.

La convocation de la Ligue du Nord

Il va donc participer à un match international, sous l’égide de la Ligue du Nord. Pour la première fois, le stade de la rue Louis-Thuillier accueille une sélection nationale. La convocation parle d’équipe du Nord alors qu’il s’agira d’une sélection de joueurs des districts de Picardie et d’Artois. Il est également précisé que l’adversaire sera l’équipe amateurs de Hongrie, . Le football hongrois a accédé au professionnalisme en 1924. En tournée dans le Nord, l’équipe qui va jouer à Amiens ne comprend donc aucun joueur de l’équipe nationale qui, deux ans, plus tôt, a étrillé l’équipe de France 13-1 (!) dans laquelle figuraient deux joueurs d’Amiens que l’on va retrouver ici, Urbain Wallet et Georges Taisne; ni de celle qui, en février 1929, a été battue 3-0 par la France (avec les Amiénois Paul Nicolas et Urbain Wallet).

  • Rendez-vous au vestiaire !

Dans l’annonce du match par Le Progrès de la Somme, parmi la sélection hongroise, un nom qui deviendra plus tard mondialement célèbre: il s’agit de Gustav Sebes, le futur sélectionneur de la grande équipe de Hongrie des années 1950.

Marcel Braun, sous le maillot blanc de la Ligue du Nord.

Revenons au texte de la convocation. On y voit que le poste qu’occupera Marcel est déjà prévu. A la lettre-type a été ajouté à la main « demi droit ».

Il est indiqué que la préparation du match se fera dans le vestiaire, au dernier moment: les joueurs sont convoqués « au vestiaire, à 14h.45 », soit trois quarts d’heure avant le coup d’envoi ! Il est également précisé que la LNFA fournira le maillot mais que le joueur devra apporter ses « bottines de football et une culotte de rechange » !

La composition de l’équipe nordiste communiquée par la presse avant le match (L’Auto consacre un petit article à la rencontre) est la suivante:

  • Tassin (Arras) — Wallet (Amiens), Vasse (Arras) — Braun (Amiens), Burgess (Arras), Riu (Amiens) — Bourdin (Arras), Hornack (Amiens), Nicolas (Amiens), Taisne (Amiens), Eugène Bigot (Bully), le frère aîné du futur international Jules Bigot.

Plusieurs changements ont lieu finalement par rapport à cette première composition: Vasse est remplacé par Lapierre (Amiens), Riu par Dereuddre (Bully), Hornack par Hurtevent (Amiens).

Malgré la concurrence d’une réunion de courses de chevaux à l’hippodrome, 3000 spectateurs assistent à la rencontre nettement dominée par l’équipe hongroise qui l’emporte 3-0. André Tassin, le gardien d’Arras – futur international et futur joueur d’Amiens, jugé le meilleur de l’équipe nordiste, évite une défaite plus lourde.  Le commentaire du Progrès décrit le jeu hongrois d’une manière qui rappelle ce que sera le style de ce football d’Europe centrale à son âge d’or:

« Les passes sont précises et faites judicieusement: avant de jouer la balle, celle-ci est avant tout contrôlée. Dans l’ensemble, le jeu hongrois nous est apparu réfléchi, calme mais on ne botte toutefois pas assez chez les avants. La méthode hongroise contrastait avec la nôtre et nos hommes couraient constamment après une balle qui paraissait vouloir les fuir. »

Après cette première « internationale », la presse picarde espère que le stade d’Amiens accueillera de nouveau des sélections internationales. Les occasions seront rares: avant 1970, l’équipe de France amateurs sera la seule à venir au stade Moulonguet, en 1939 (France-Athenian League: 7-3), en 1961 (France-Pays-Bas: 3-1) et en 1969 (France-Italie: 2-1).

Didier Braun

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