Paul Nicolas, le plus grand footballeur d’Amiens

De 1928 à 1932, l’avant-centre de l’Amiens A.C. fut le meilleur footballeur français de l’époque, Paul Nicolas.

Il a joué dans des temps trop anciens pour figurer dans l’équipe d’Amiens du XXe siècle « sélectionnée » en 2000 par les lecteurs du Courrier Picard, trop jeunes pour l’avoir connu. Il a pourtant été le plus grand footballeur à avoir porté le maillot azur et noir du club picard.

Lorsqu’il arrive en Picardie, en 1928, Paul Nicolas est le meilleur joueur français de la décennie. A 28 ans, il compte 28 sélections en équipe de France dont il a été le capitaine à 11 reprises. Il est également le meilleur buteur de la sélection avec 18 buts, dont 2 triplés contre la Yougoslavie en 1926 et l’Irlande en 1928. Il est le seul joueur français, avec Jules Dewaquez, à avoir participé à 3 tournois Olympiques, en 1920, 1924 et 1928.

En 1922, Paul Nicolas (sous le maillot rayé du Red Star), avait affronté Amiens et son gardien Legrand en Coupe de France (Red Star-AAC 4-0).

Avec son club, le Red Star, il a remporté 4 fois la Coupe de France (record de l’époque), en 1921, 1922, 1923 et 1928. Il possède le plus beau palmarès des 40 premières années de l’histoire du football en France. A Amiens, il sera moins sous les regards de la presse parisienne et des sélectionneurs. C’est peut-être la raison pour laquelle les commentateurs évoqueront parfois son déclin, avant l’heure.

Pourtant, il réalise sous le maillot d’Amiens 4 très belles saisons jusqu’en 1932. Il est le leader d’une attaque dans laquelle s’illustrent deux autres internationaux, Michel Taisne, déplacé à l’aile gauche par la venue de Nicolas, et Ernest Liberati à l’aile droite. Au cours de ces 4 années, il inscrit une cinquantaine de buts en match officiel, dont un quadruplé et 5 triplés. Lors de la première année, il est toujours titulaire du poste d’avant-centre de l’équipe de France, avant qu’il soit handicapé par plusieurs blessures. Malgré cela, dans sa période amiénoise, il obtiendra 7 nouvelles sélections, jusqu’en 1931. Il sera également sélectionné régulièrement en équipe du Nord dont il sera le capitaine.

Paul Nicolas devant sa poissonnerie de la rue des Trois-Cailloux (en compagnie de ses coéquipiers Lapierre, Thédié et Delmer). Thédié porte un enfant de Nicolas

En 1932, l’équipe de France cherche un successeur à Paul Nicolas à son poste. Comme la sélection vient d’être battue, le 6 avril, par l’Italie (1-2), avec le Cannois Charles Bardot comme avant-centre, le journaliste du Progrès de la Somme, jouant les sélectionneurs, écrit la semaine suivante:

« Quand la France a la chance de posséder deux ailiers inégalables comme Liberati et Langiller, le comité de sélection a le devoir, lui, de mettre au poste d’avant-centre l’homme qui, seul, sait leur faire rendre le maximum. Cet homme-là n’était pas Bardot, mais Paul Nicolas ».

Il y a alors plus d’un an que Nicolas a honoré sa 35e et dernière sélection… En cette année 1932, il va d’ailleurs progressivement quitter le centre du terrain pour le banc et le costume de dirigeant.

  • Le souvenir amer de Colombes 1930

Paul Nicolas, le jour de la fameuse demi-finale de 1930 contre le Racing.

Son grand regret de joueur, à Amiens, aura sans doute été de ne pas conduire son club jusqu’à la finale de la Coupe de France. Il en a été à deux doigts, pourtant, lors des demi-finales de 1930. Le 6 avril, l’équipe picarde affronte le Racing Club de France sur son terrain de Colombes. Depuis le début du match, Nicolas joue blessé, après un coup à la cuisse. Le score est de 1-1. Il faut jouer la prolongation.

A quelques minutes de la fin, lit-on dans L’Auto, « Nicolas a le gain du match au bout du pied. Il attend trop et se fait ravir la balle. » Le score reste en l’état. La chance d’Amiens est passée. Lors de la seconde rencontre, le 19 avril, toujours à Colombes, le Racing se qualifiera 3-1. Il n’y aura pas de finale pour l’A.A.C., il n’y en aura plus pour Nicolas. Le souvenir de la déception  de ce 6 avril 1930 restera si vivace que l’incident est rapporté, avec toujours autant de regrets dans le ton, dans le livre Le football en Picardie, écrit près de vingt ans plus tard:

« Le grand Nicolas devint le héros d’un incident que les Amiénois présents eurent bien du mal, malgré l’admiration qu’il leur inspirait, à lui pardonner. On put voir en effet Nicolas, en possession de la balle à un mètre des buts vides, se mettre brusquement à clopiner comme un joueur qui vient de se claquer. Il suffisait d’un souffle, d’une pichenette, d’un rien, pour rentrer ce but qu’un enfant de 4 ans n’aurait pas raté. L’avant-centre international, comme frappé de paralysie mentale et physique, demeura impuissant… et l’occasion de vaincre s’enfuit. »

Paul Nicolas, qui a pourtant connu bien des émotions dans sa carrière, reviendra sur ce souvenir qu’il considérait comme étant le plus amer qu’il avait vécu, dans le livre Les secrets du football, publié quatre ans après l’épisode de Colombes:

« Traîner toute une partie de demi-finale de Coupe comme un malheureux inutile, souffrir moralement de son impuissance et physiquement d’une douleur lancinante à chaque pas, pour au dernier moment avoir devant soi, au bout de sa chaussure, la balle du match, et rester comme une bête assommée devant cette balle qu’un immense désir de vaincre ne suffit pas à pousser au fond des filets, c’est une petite sensation que je ne vous souhaite pas d’éprouver. »

Près d’un an plus tard, le 8 mars 1931, Nicolas et Amiens reviennent à Colombes pour disputer un quart de finale contre Montpellier.  Mais les Languedociens dominent et mènent 2-0 (2 buts de Rolhion) en première période. Nicolas a été très peu sollicité. Puis dès le début de la seconde période, il se blesse au genou. Décidément, Colombes ne lui porte pas chance depuis qu’il joue à Amiens. Dès lors, constate le reporter du Progrès, « l’A.A.C. opéra à partir de ce moment comme un corps sans âme« . Montpellier s’impose 3-1. Paul Nicolas ne remportera jamais une 5e Coupe…

Paul Nicolas sous le maillot azur et noir, contre l’Iris Club Lillois en 1931.

Pourtant, on le reverra encore disputer des matches de Coupe. Les deux derniers ont lieu en janvier… 1935, en 16es de finale. Il y a plusieurs saisons que Paul Nicolas, devenu dirigeant du club, joue essentiellement en équipe B d’Amiens où il retrouve fréquemment son vieux copain Marcel Braun. Mais il y a urgence cette fois. Les défections sont nombreuses au sein de l’équipe professionnelle. A 35 ans, le voici de nouveau avant-centre face à… son cher Red Star. Au Havre, les deux équipes ne se départagent pas (1-1). Nicolas s’est plutôt bien débrouillé, si l’on en croit le Progrès:

« L’ex-international Nicolas que l’on n’avait pas vu en équipe première depuis plusieurs années, fit une rentrée remarquée. En effet, il prouva qu’il n’avait rien perdu de ses qualités techniques, ses passes judicieuses, ses services aux ailes, sa parfaite compréhension du jeu apparurent tout au long du match. N’était un manque de vitesse dû à l’âge, on pourrait dire que le grand Nicolas est retrouvé… »

Quatre jours plus tard, à Rouen, Nicolas fait un dernier tour de piste face à son ancien club, qualifié sur un seul but de Marcel Pinel. Comme on l’a dit, Paul Nicolas, toujours propriétaire d’une poissonnerie rue des Trois-Cailloux, est désormais un dirigeant du club, faisant même office, un temps, d’entraîneur, et souvent, de recruteur, y compris à l’étranger.

  • En 1932, la Fédé l’accuse d’être professionnel

Sa carrière de joueur avait failli prendre fin, tristement, à l’automne 1932, alors que débute le premier championnat professionnel en France, auquel Amiens n’a pas adhéré. En septembre, la F.F.F. a retiré sa licence amateur à Nicolas. La Commission qui a statué sur son cas, a estimé qu’il ne pourrait être qualifié qu' »au titre de joueur professionnel ». Dans ses souvenirs publiés en 1935, Nicolas parlera des « Fouquier-Tinville au petit pied de la F.F.F.A. ».

Le Progrès de la Somme assure, le 26 septembre 1936, que « Paul Nicolas ne jouera plus au football ». Son journaliste, Jean-Louis (de son vrai nom Oswald Rupert), déplore la décision fédérale en ces termes:

Nicolas obtiendra gain de cause en appel. Il sera requalifié amateur et pourra, comme on l’a vu plus haut, jouer encore quelque temps. Il en gardera quelque rancœur à l’encontre de certains dirigeants fédéraux, avant de siéger parmi eux. Plus tard, en effet, il deviendra un des principaux dirigeants du football français de l’après-Guerre, comme Président du Groupement des clubs professionnels et sélectionneur de l’équipe de France jusqu’à sa mort accidentelle en 1959.

  • -> UNE GRANDE CARRIERE DE JOUEUR ET DE DIRIGEANT
  • Paul Nicolas  est né le 4 novembre 1899 à Paris. Il est décédé dans un accident de voiture le 3 mars 1959, à Gy-L’Evêque (Yonne).
  • Ses clubs: Gallia Club, Red Star, Amiens A.C.
  • Palmarès: Champion de la Ligue de Paris en 1920 et 1922. Vainqueur de la Coupe de France en 1921, 1922, 1923 et 1928.
  • Equipe de France: 35 sélections de 1920 à 1931. 20 buts en équipe de France (record de l’époque). 11 fois capitaine. Première sélection à 20 ans, le 18 janvier 1920 (Italie-France, 9-4, il marque 1 but).
  • 3 participations aux Jeux Olympiques, en 1920, 1924 et 1928.
  • Sélectionné dans les équipes représentatives de la Ligue de Paris et de la Ligue du Nord.
  • Membre du comité de sélection de l’équipe de France en 1949, puis de 1954 à 1959, période pendant laquelle il est directeur de la sélection. A ce titre, il est le « patron » de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de 1958.
  • Président du Groupement des clubs autorisés (ancêtre de la Ligue professionnelle) de 1953 à 1956.

Didier Braun

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Un commentaire pour Paul Nicolas, le plus grand footballeur d’Amiens

  1. nicolas paul dit :

    merci pour cette belle page. pour la précision, il n’a eu qu’un fils (né en 1927), Louis

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